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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


qu’il me trouverait toujours prêt à lui serrer la main[1]. »

Enfin, Picquart répondit point par point à toutes les imputations qui étaient dirigées contre lui et il fit le récit des machinations dont il avait été victime. Il s’attacha surtout à établir sa pleine droiture militaire : « J’ai été mis sous la surveillance de la police, insulté grossièrement par les journaux ; je n’ai jamais voulu adresser la moindre plainte ; j’ai tenu à être correct jusqu’au bout ! » Il termina, avec une émotion contenue, par ces paroles : « Si l’on veut me mettre à la porte de l’armée, je m’inclinerai, fort de ma conscience. Le conseil appréciera si le lieutenant-colonel Picquart doit être chassé de l’armée alors que le commandant Esterhazy se promène encore aujourd’hui avec sa croix et son grade[2]. »

Le conseil, à la majorité de quatre voix contre une, prononça « qu’il y avait lieu de mettre Picquart en réforme pour faute grave contre la discipline ».

Selon l’usage, Picquart eut dû être mis aussitôt en liberté. Il fut reconduit dans sa casemate. Selon l’usage, encore, Billot eût dû statuer immédiatement ; il était libre d’accepter, de repousser, ou d’atténuer les propositions du conseil. Mais il s’en garda, espérant qu’à retarder la solution définitive, il déciderait Picquart à ruser avec la vérité, quand il comparaîtrait aux assises, et à acheter ainsi quelque indulgence.

IX

Les « patriotes » triompheront, à la nouvelle que le conseil d’enquête avait conclu à chasser Picquart de

  1. Cass., II, 154, Galliffet. Galliffet avait conseillé à Picquart de réclamer sa comparution devant un conseil de guerre et lui avait proposé de présenter sa défense.
  2. Ibid., 161 à 168, Picquart.