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LE PROCÈS ZOLA


On a vu que, lui-même, il avait jeté au feu, en 1894, la notice d’Henry et, récemment, le commentaire de Du Paty, incinéré son crime.

Il fut acclamé. Delegorgue prétextera plus tard « qu’il n’avait pas eu le temps de l’arrêter, que le général avait parlé trop vite[1] ».

Vainement, Labori protesta que le silence de Mercier, sur sa question précise, équivalait à un aveu.

Disons tout de suite que Delegorgue, après avoir laissé l’ancien ministre de la Guerre déclarer que le verdict de 1894 était légal, refusa d’interroger deux des anciens collaborateurs de Mercier, Charles Dupuy et Guérin[2], puis Trarieux, sur ce qu’ils savaient de l’illégalité.

Cependant, un autre ancien ministre de la Justice, Thévenet, appelé seulement à déposer sur la bonne foi de Zola, réussit à aborder le redoutable problème, non pour l’éclairer d’un renseignement particulier, mais pour montrer que « c’était la difficulté vraiment capitale de ce grand débat ». Trarieux, précédemment, avait dit à Scheurer : « Si Dreyfus était un traître, la forme eût-elle été violée pour lui, je n’oserais élever la voix et je ne le ferais point[3]. » Thévenet pensait autrement. On touchait, ici, en effet, non pas à une simple question de droit, d’ailleurs incontestée, mais à un principe beaucoup plus élevé, celui de la liberté de la défense, celui du droit imprescriptible qu’a tout homme accusé, même

    Parole, en 1894, avaient été faites contrairement à ses instructions. « cette publication pouvait venir de la famille Dreyfus. Simple appréciation, d’ailleurs, et qui ne repose sur aucun indice ni sur aucun témoignage. »

  1. Procès Zola, I, 199, Delegorgue.
  2. Labori renonça aux dépositions de Delcassé, Leygues, Poincaré, à qui il eût voulu poser la même question.
  3. Procès Zola, I, 180, Trarieux.