Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/390

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

XV

Pendant que les bandes de Guérin opéraient dans la rue, Drumont délibéra avec quelques amis, très effrayés par le succès de Picquart et redoutant, pour peu que le jury se laissât émouvoir, l’effondrement du procès ; par conséquent, la Revision, le triomphe des juifs et l’écroulement de la belle entreprise qui avait si bien commencé.

On s’était occupé déjà des douze citoyens obscurs d’où dépendait l’avenir. Des émissaires étaient allés les trouver à domicile, menacer leurs femmes. À la cour d’assises, Rochefort, régulièrement, prenait place près des jurés, parlait assez haut pour être entendu d’eux, à qui la loi interdit d’adresser la parole à l’audience, et causait avec les jurés supplémentaires. Bien mieux. Drumont avait signalé que l’un des jurés titulaires était fournisseur de Rothschild, dès lors, à la solde des juifs, et le pauvre homme[1] en était tombé malade ou avait feint de l’être. Le soir même, il envoya un certificat de médecin et fut remplacé par un des jurés supplémentaires[2].

L’avertissement aux jurés était très clair, tous petites gens, comme on a vu, artisans et commerçants, soucieux de n’être pas dénoncés à leur clientèle comme de mauvais Français, et faciles à terroriser.

  1. Leblond, entrepreneur de couverture.
  2. Procès Zola, I, 347. — Il avoua lui-même (15 février 1898) à un rédacteur de la Presse que son indisposition avait eu pour cause l’émotion produite sur lui par l’article de Drumont.