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LE PROCÈS ZOLA


se disant républicain, joua un rôle tapageur dans tous les mauvais coups contre la République. Cependant, et bien qu’il fût devenu antisémite, il avait douté que Dreyfus fût coupable, et sa réserve avait fort inquiété l’État-Major. Vingt officiers lui furent dépêchés pour le convaincre[1]. Il résista assez longtemps. Il n’était plus député, ayant donné sa démission lors de l’affaire, où il fut mêlé, des faux papiers de Norton. Il était revenu aux lettres. Mais il n’y avait pas retrouvé ses succès d’autrefois ; comment concevoir sans lui un mouvement catholique et militaire, et d’apparence patriotique ?

Déroulède, flatté d’être traité en chef, répondit qu’il se réjouissait de l’attitude de Paris et « des dépositions des militaires, enfin nettes et catégoriques, malgré M. Billot ».

C’était toujours le même procédé, et, chaque fois qu’il fut employé, il réussit.

En effet, dès que Brisson, au début de la séance[2], eut donné lecture de la demande d’interpellation d’Ernest Roche, Billot s’élança à la tribune et, tout de suite, après avoir écarté « d’un démenti absolu, l’infamante insinuation » dont il était l’objet[3], il jura, « pour la sixième fois, que Dreyfus avait été légalement jugé et justement condamné ». Et, comme si ce sixième par-

    disposition de l’autorité prussienne, à Berlin, où celle-ci lui désignerait un lieu de captivité. Se considérant désormais dégagé, vis-à-vis de l’ennemi… etc. » (II. Galli, Paul Déroulède raconté par lui-même, 16.)

  1. « Cependant, l’idée supérieure de justice, des sentiments profondément humains, les plus honorables scrupules lui inspirèrent, tout d’abord, une réserve absolue. » Il interrogea les différents ministres de la Guerre ; après les avoir entendus, aucun doute ne subsista plus dans son esprit. (Galli, 112.) Il dit ses doutes à vingt personnes, notamment le jour des obsèques de son cousin Guiard. (Lettre de Monod à Jaurès, Petite République du 4 juillet 1899) et convint lui-même, à la veille du procès de Rennes, qu’il avait été troublé (Patrie et Libre Parole du 6 juillet 1899. — Voir t. V, 259).
  2. 2 février 1898.
  3. « Ni la Chambre, ni le pays, ni l’armée, ne peuvent attendre, une minute de plus, qu’un démenti formel, absolu, soit donné à des insinuations aussi infamantes. »