Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
392
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sous la direction de Gonse, ont été les principaux artisans de l’autre affaire !… Ils ont travaillé alors en conscience, pensant, je veux le croire, qu’ils étaient dans la vérité. Il ont reçu ensuite du colonel Sandherr, qui déjà au moment de cette affaire, était atteint de la grave maladie dont il est mort depuis, la consigne, comme une sorte de testament, de défendre, contre les attaques, le jugement qui était l’honneur du Bureau ! » Et ils ont défendu la consigne par tous les moyens.

Il rompait les ponts derrière lui, mais c’en était trop, il n’en pouvait plus, il ne pouvait pas contenir, plus longtemps, le jaillissement des eaux-vives de sa douleur :

Moi, j’ai pensé autrement lorsque j’étais à la tête de ce service, et, comme j’ai eu des doutes, j’ai voulu m’éclairer et j’ai cru qu’il y avait une meilleure manière de défendre une cause que de se renfermer dans une foi aveugle.

Messieurs les jurés, voilà je ne sais combien de temps, voilà des mois que je suis abreuvé d’outrages par des journaux qui ont été payés pour répandre ces calomnies et ces erreurs… Pendant des mois, je suis resté dans la situation la plus horrible pour un officier, car je me trouvais attaqué dans mon honneur sans pouvoir me défendre ! Demain, peut-être, je serai chassé de cette armée que j’aime et à laquelle j’ai donné vingt-cinq ans de ma vie ! Cela ne m’a pas arrêté lorsque j’ai pensé que je devais rechercher la vérité et la justice. Je l’ai fait, et j’ai cru rendre en cela un plus grand service à mon pays et à l’armée. C’est ainsi que j’ai cru qu’il fallait faire mon devoir d’honnête homme ![1]

Le président Delegorgue, devant le délit d’audience

  1. Procès Zola, I, 365, Picquart.