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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


frappé à la fois dans ses intérêts et dans son honneur, il avait été l’objet de telles tracasseries que, par prudence, il avait refusé à Zola de témoigner comme expert à son procès. Cependant il accourut à Paris, dès qu’il connut les calomnies de Teyssonnières, Delegorgue l’autorisa à déposer et il convainquit son ancien ami d’imposture[1].

On dira que ces misères ne sont pas de la dignité de l’histoire. Il n’en est rien. Il y avait en France, à cette époque, des milliers et des milliers d’individus que paralysait la terreur d’être traités à leur tour, s’ils laissaient parler leur conscience, comme le fut Crépieux. Ils avaient femme et enfants ; et il faut manger. C’est ainsi que les catholiques de l’école de Drumont, qui est une très vieille école, exerçaient la propagande pour leurs idées.

Teyssonnières commit une autre vilenie. Il devait beaucoup à Trarieux qui l’avait fait rétablir sur la liste des experts, et, l’autre jour encore, à la barre, il protestait que sa reconnaissance ne finirait qu’avec sa vie. Or, le soir même, il porta à Drumont un article anonyme où Trarieux et Scheurer étaient accusés, à leur tour, d’avoir cherché à le corrompre[2].

Les deux sénateurs l’accablèrent de leur mépris à l’audience du lendemain[3]. Il avoua sa turpitude, se rétracta et disparut.

  1. Procès Zola, I, 490 et suiv., Crépieux.
  2. Ibid., II, 25 : « Labori : Est-ce M. Teyssonnières qui a livré à la Libre Parole une lettre de M. Trarieux ? — Teyssonnières : Oui. » — Il convint également qu’il avait fourni les éléments de l’article.
  3. Ibid., II, 23, Scheurer : 33, Trarieux. — Selon Teyssonnières, Scheurer lui aurait montré le 11 juillet 1897 des spécimens de l’écriture d’Esterhazy (I, 448), Scheurer, alors, ne connaissait même que le nom d’Esterhazy, etc. — Teysson-