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LE JURY


désespérés à la peur. Si l’armée elle-même a une telle crainte de la guerre, à quoi bon conserver cette effroyable et ruineuse machine de mort qui ne tue jamais ? Le ver est dans le bois.

Boisdeffre et Billot approuvèrent l’attitude de Gonse comme la seule sage. Ils se gardèrent de blâmer Pellieux qui eût pu devenir soupçonneux, et qui était populaire, et parce que le mal était fait. Boisdeffre, en conséquence, portera, à la reprise des débats, une courte déclaration, mais refusera de produire la pièce et de répondre à aucune question. Billot mentit à Méline, à Hanotaux ; il leur affirma, pour les rassurer, que Boisdeffre, dans sa déposition, ne ferait aucune allusion au document argué de faux par Tornielli[1] ; Méline, par Milliard, envoya à Delegorgue des ordres précis pour clore l’incident.

Il n’osa pas demander à Boisdeffre de lui communiquer la déclaration qu’il allait faire. D’ailleurs, Boisdeffre en avait confié la rédaction à l’avocat d’Esterhazy[2].

XIII

Boisdeffre récita d’une voix énergique, mais en l’abrégeant, le discours qu’il avait appris :

  1. Il renouvela cette déclaration au conseil des ministres du lendemain (Récit d’un ministre).
  2. Esterhazy, Dép. à Londres, (Éd. belge), 80 : « C’est Tézenas qui a rédigé la déclaration faite par le général de Boisdeffre aux jurés, déclaration que nous avons faite ensemble et dont le général, dans son émotion, a sauté une partie. » — D’après une autre version, qui eut cours à l’époque. Tézenas aurait été seulement consulté par un ami de Boisdeffre, officieusement.
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