Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/520

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
514
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


En conséquence, lorsque les témoins de Picquart se présentèrent chez Henry, celui-ci déclina la rencontre et leur remit une note qui avait été concertée avec les chefs : « Tant que la lumière n’aura pas été faite sur l’origine du petit bleu, et que l’instruction n’aura pas élucidé certains faits qualifiés de faux et connus de Picquart », Henry refuse « d’engager ses amis dans cette affaire ». — Cela se passait dans la matinée du jour où Lemercier fut trouvé pendu[1]. — Ranc et Gast prirent simplement acte de cette reculade et en rendirent compte à Picquart.

Esterhazy, selon le plan qui avait été arrêté, entra alors en scène. Au lieu d’envoyer à Picquart ses témoins, qui étaient tout prêts, mais qui n’étaient pas dans le secret, il les dépêcha à Henry pour lui faire part de sa prétention de se rencontrer le premier avec celui qu’il appelait « son insulteur[2] ». Henry leur ayant communiqué la déclaration qu’il avait faite dans la matinée à Ranc, les deux officiers décidèrent aussitôt que « la double disqualification de M. Picquart ne permettait pas à Esterhazy de se battre avec lui ». Ils restaient d’ailleurs prêts « à l’accompagner sur le terrain »,

    témoin à Esterhazy, mais n’en parlez pas. » Gonse avoue (Rennes, II, 163) la visite que lui firent Esterhazy et Henry ; il prétend avoir borné son intervention à une démarche auprès du colonel Parès, premier témoin d’Henry ; il l’aurait invité à chercher le second témoin d’Esterhazy. Boisdeffre, dans ses diverses dépositions, passe l’incident sous silence. Roget (Cass, I, 99) raconte qu’Esterhazy vint chez Henry (après le duel de celui-ci avec Picquart), pour le prier de lui chercher un témoin, ce qui est contredit par tous les faits. Les visites d’Henry à Esterhazy sont certifiées encore par la concierge, femme Gérard (Cass., I, 792), et par Marguerite Pays (I, 801).

  1. 3 mars 1898.
  2. Cass., I, 209, Picquart : « Il y eut une entente évidente entre Esterhazy et Henry pour que le premier se substituât au second. »