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LES IDÉES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES


étaient entrés dans la chair et le sang de la nation et que le triomphe de la Révolution était définitif. Tout à coup, une autre France apparaissait, à face d’Espagne.

L’un des faits les plus considérables du xixe siècle, c’est que l’Église y tint tout le temps école ouverte contre la Révolution. La bourgeoisie libérale, puis la démocratie laissèrent dire, comme si toute cette semence avait dû tomber seulement sur des rochers. À présent, toute une génération débordait dans la vie publique, à qui ses maîtres avaient inculqué le mépris des « pauvres vanités idéologiques » de Quatre-vingt-neuf[1] ; elle était hantée par le regret des privilèges « honteusement abandonnés », « dans l’hystérique exaltation de la funeste nuit du 4 août[2] », et se proposait de rétablir, non pas même les institutions politiques de l’Ancien Régime, « mais celles du moyen âge, « et de ramener la France « aux conceptions sociales du xiiie siècle[3] ».

Le mot de contre-Révolution, si fréquent autrefois dans les luttes des partis, avait disparu, depuis pas mal d’années, des polémiques ; maintenant, la Contre-Révolution elle-même entrait en scène avec le Syllabus pour drapeau[4], et proclamant les droits de

  1. Paul Bourget, dans la Minerva du 1er août 1902.
  2. Ibid. — Ailleurs : « Cette funeste nuit, dans laquelle il commençait à voir la plus honteuse des démissions. » (l’Étape, 79.)
  3. De Mun. Discours de réception à l’Académie française : « Qu’importent les restrictions libérales et les anathèmes contre les institutions du moyen âge ? Ainsi, par une irrésistible évolution, les idées anciennes reparaissent avec des besoins nouveaux, et ce n’est pas la moindre surprise de notre temps que ce retour aux conceptions sociales du treizième siècle. » (10 mars 1898.)
  4. De Mun, Discours politiques et parlementaires, I, 11 : « Notre drapeau se déployait fièrement : c’était la croix et sa glorieuse devise : In hoc signo vinces. Notre but était clairement indiqué : c’était une contre-Révolution faite au nom du Syllabus. »