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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


hazy[1]. Rien que le récit circonstancié de la visite d’Esterhazy à Schwarzkoppen, en octobre (quand il le menaça de se tuer, le somma d’aller déclarer à Lucie Dreyfus que son mari était coupable), prouvait le crime.

Le premier cri des amis d’Esterhazy fut pour traiter d’imposteurs les auteurs de ces révélations. Mais aucun démenti ne vint ni de Berlin ni de Rome[2]. L’État-Major se tut. Les journalistes coururent chez Esterhazy ; le mensonge, pour une fois, lui resta dans le gosier ; il dit seulement qu’il ne s’occupait plus de l’affaire Dreyfus[3] ».

Le parti pris était tel, et la peur, que ces révélations incontestées, qui eussent dû être décisives, ne déterminèrent pas une seule conversion, du moins publique.

Cependant, l’atmosphère de méfiance s’épaissit beaucoup, de ce jour, autour d’Esterhazy. Ce faux reître, qui devait tout massacrer et qui baissait la tête sous une telle accusation, et si précise, devint suspect aux plus crédules ; les plus échauffés cessèrent de l’acclamer en public. Cavaignac, et beaucoup parmi les plus résolus adversaires de la Revision, commencèrent à dire que leur cause (la chose jugée), qu’ils distinguaient on ne

  1. 4 et 8 avril 1898.
  2. La Gazette de Cologne, la Gazette de Francfort, le Times, l’Indépendance belge, etc., confirmèrent les révélations du « diplomate de Berne ». — Panizzardi, harcelé par les reporters, quitta Paris pour Berne où il était également accrédité. Il refusa soit de confirmer, soit de démentir le récit de Casella (dépêche du 16 avril au Siècle) : il allégua aux amis qui le pressaient que son devoir était de se taire tant que Schwarzkoppen n’aurait pas rompu le silence. La presse italienne annonça qu’il serait remplacé à brève échéance.
  3. Agence nationale du 14 avril. — « Le général de Pellieux me dit de n’attacher aucune importance à la déposition de Casella. » (Dép. à Londres, 5 mars 1900.)