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LA CHUTE DE MÉLINE


la presse, des bruits sur la vie privée de Dreyfus ; pour lui, il était convaincu de l’innocence du malheureux, son cousin éloigné, par alliance, et qu’il n’avait, d’ailleurs, vu qu’une seule fois.

Painlevé, averti par un journaliste que le récit de sa conversation avec Hadamard avait été gravement altéré, se rendit chez Gonse. Il croyait alors à la culpabilité de Dreyfus, parce qu’il croyait que l’État-Major en avait des preuves certaines ; mais, comme il était aussi honnête homme que savant, l’idée qu’un propos de lui, inexactement rapporté, fût devenu une charge, lui était odieuse ; il s’étonnait, au surplus, que le sous-chef de l’État-Major, armé, comme il devait l’être, de témoignages formels, s’occupât d’un simple racontar. Il insista donc, avec beaucoup de force, sur les affirmations répétées d’Hadamard au sujet de l’innocence de Dreyfus ; la phrase relative à la vie privée du condamné, son interlocuteur « l’avait dite précisément pour montrer qu’il n’apportait dans l’affaire ni sentimentalité ni esprit de famille, et pour bien établir la valeur intrinsèque de ses arguments[1] ». Gonse l’écouta, de l’air benêt qui lui était habituel ; dans ces conditions, le récit de Painlevé n’apportait rien de nouveau et n’avait aucun intérêt ; il ne lui demandait même pas de le mettre par écrit[2].

Painlevé parti, Gonse rédigea en ces termes, qu’il affirmait être « textuels » et avoir été confirmés par le mathématicien, en présence de d’Ocagne, la déclaration d’Hadamard : « Je n’ai pas voulu dire que je croyais Dreyfus innocent ; d’ailleurs, depuis son arrestation, nous avons eu, dans sa famille, connaissance de certains faits

  1. Rennes, III, 334 et suiv., Painlevé.
  2. Ibid., 335, Painlevé ; 340, Gonse.