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LA CHUTE DE MÉLINE

Mais Du Paty, qui lui aussi, avait assez de l’affaire Dreyfus, refusa. Il n’eût accepté une telle charge, une aussi redoutable succession, qu’en sous-ordre, avec un chef comme le général Bonnal. Sinon, il préférait quitter L’État-Major, aller en garnison à Nancy. Et Henry resta.

IV

Nous avons laissé Christian Esterhazy fort préoccupé de son argent, depuis qu’il ne prenait plus son cousin pour un preux des anciens temps. L’escroc essayait toujours de le faire patienter, tantôt par de bonnes paroles : « Je t’enverrai de l’argent ces jours-ci… », tantôt par une belle indignation d’honnête homme : « Pour Dieu ! rassurez-vous et cessez de manifester une inquiétude blessante et absurde[1] ! » Christian étant accouru un jour à Paris, il lui fit des billets et, pour montrer combien sa situation était intacte, le mena chez Pellieux, mais pas plus loin pourtant que l’antichambre[2], pendant qu’il entrait seul chez le général qui lui avait gardé, d’ailleurs, toute son amitié. Cependant la confiance n’était revenue ni à Christian ni à sa mère ; ils apprirent, avec surprise, que les billets du commandant n’ajoutaient rien à leur droit, exigèrent alors le remboursement immédiat des fonds. Sur quoi Esterhazy écrivit à Christian une lettre de rupture et à Mme Esterhazy que son fils était un polisson, qui entretenait des femmes de mauvaise vie[3].

Il espérait les intimider après les avoir si longtemps

  1. Lettres de mars et avril 1898.
  2. Christian Esterhazy, Mémoire, 83.
  3. 14 avril 1898.