Jamais assemblée ne débuta par plus d’incohérence. Le 1er juin, elle nomme Deschanel à la présidence contre Brisson ; le 14, elle renverse Méline ; le 30, une majorité de cent voix salue Brisson, battu hier, aujourd’hui président du Conseil.
Méline, au lendemain des élections, s’était cru vainqueur ; Félix Faure, sortant de la réserve constitutionnelle, s’était félicité, dans un discours à Saint-Étienne, que le pays eut approuvé sa politique, « une politique raisonnée et sage[1] ». Il n’y avait plus qu’à renouveler, à cimenter plus étroitement le pacte avec la droite, à gouverner, comme on avait fait voter, contre les radicaux et les socialistes.
Brisson, à la fin de la précédente législature, en excommuniant les « perfides », c’est-à-dire les ralliés et leurs garants, avait jeté le gant au centre. Il était légitime que le défi fût relevé. Les modérés (qui avaient repris le nom de « progressistes ») décidèrent de présenter un candidat à la présidence, « sous peine, leur dit Poincaré, de débuter par une abdication ».
Il eût pu briguer le fauteuil et, de même, Ribot. Mais, soit qu’il leur répugnât de solliciter pour eux-mêmes le concours indispensable de la droite et des nationalistes (les modérés n’étaient que deux cents), soit qu’ils craignissent une défaite, ils proposèrent Deschanel. Il ne fut élu d’abord qu’à une voix, refusa, fut réélu à quatre voix[2] et monta au fauteuil au milieu des cris de colère et des injures de toute la gauche.
C’était alors un homme jeune encore, qui devait sa