projet n’avait aucune chance d’aboutir ; en même temps, il ne renonçait pas à déférer son cousin à la justice disciplinaire, n’attendait pour sévir que la clôture des procédures civiles, l’arrêt de la Cour de cassation sur l’opposition de Picquart au non-lieu de Du Paty[1].
La prévision de ces scandales, que les ennemis de l’armée exploiteraient avec leur audace accoutumée ; les déconvenues du juge Fabre à la veille de rendre une ordonnance dérisoire ; les excitations aussi de son entourage et des journalistes enragés, le décidèrent à brusquer les choses, l’opération d’ensemble dont la pensée l’obsédait, qui finirait tout, que l’oligarchie des grands chefs attendait de lui. Puisque les revisionnistes au détail échappent à travers les arguties de la chicane, les mailles trop larges du Code, il les prendra en bloc, les enverra, sous l’inculpation à la fois vague et terrible d’un complot contre la sûreté extérieure de l’État, à des juges politiques.
L’admirable (qu’il ne faut pas se lasser de montrer chez Cavaignac), c’est le sérieux imperturbable dans la sottise, la niaiserie et le scrupule dans la méchanceté.
L’histoire est pleine de coups de force ; leurs auteurs, scélérats intelligents qui veulent le but, ne reculent pas devant les moyens. S’emparer des partisans de Dreyfus et les livrer à des cours prévôtales eût été abominable, mais logique. Pour des coups pareils, il faut des commissions militaires, avec des sentences rédigées d’avance.
Ce n’était pas la façon de Cavaignac. Il avait à sa disposition des forces réelles : l’armée, la populace antisémite, une partie du peuple. Si quelqu’un lui suggéra
- ↑ Cass., I. 105, Roget.
tre ; il le dit à Sarrien, à Vallé qui s’en étonnèrent. Ployer avait vu le faux d’Henry et l’avait trouvé admirable.