Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
176
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Enfin, « après un instant de vive hésitation[1] », le diabolique comédien termina par une menaçante requête. Tout à l’heure Boisandré, le rédacteur de la Libre Parole, avait parlé à mots couverts d’un document qu’il avait de ses yeux vu et d’où résultait qu’Esterhazy n’avait pas cessé d’être mené par l’État-Major[2], » Esterhazy précise maintenant que la pièce est de l’écriture de Du Paty (l’homme de confiance de Gonse), que Boisdeffre y est nommé et que l’accord entre ces grands chefs et lui, pour laisser Pellieux dans l’ignorance de certains faits, y paraît en plein. L’ayant remise à Tézenas, actuellement absent de Paris, il demande un délai pour la produire.

Le conseil siégeait depuis dix grandes heures[3] ; harassés, effrayés par ces révélations inattendues où éclatait, avec l’impudence de l’accusé, l’hypocrisie non moins cynique de l’accusation, les juges s’ajournèrent à trois jours, « afin de permettre à l’officier, objet de l’enquête, de se procurer le document » qui devait le justifier.

VI

La première journée de cette chaude bataille entre Cavaignac et Esterhazy, c’était Esterhazy qui l’avait gagnée.

  1. Cass., II. 183, Esterhazy.
  2. Ibid., I, 591, Esterhazy ; II, 180, Boisandré.
  3. Procès-verbal : « Comme la séance commencée à 9 heures du matin a duré jusqu’à 7 heures du soir. » — Dessous de l’Affaire, 48 : « Les juges furent si surpris, si bouleversés, qu’ils renvoyèrent la suite de l’audience à une autre séance. »