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LA MORT D’HENRY


au crayon bleu — la lettre de Panizzardi du 31 décembre 1896 et la pièce de comparaison de juin 1894 — avait permis de constater que l’une d’elles renfermait des mots appartenant à l’autre, et réciproquement, qu’ainsi elles avaient été gravement altérées. » Puis, de sa voix sèche : « Devant la matérialité des faits, l’absence d’explication serait aussi grave qu’une explication insuffisante. Quand et comment avez-vous reconstitué ces pièces ? »

Quelqu’un, qui l’a bien connu, a fait ce portrait d’Henry : « C’était un de ces hommes rudes et sanguins, comme il en faut dans l’administration de la Guerre, quand ce ne serait que pour traiter avec les marchands de bestiaux, à l’arrière des armées. » Il semblait l’un d’eux, quand il était en civil. Sous l’uniforme, il avait bonne mine.

Avec son ordinaire audace, il commença par mentir. Il a reçu les deux pièces aux dates qui y sont indiquées, il les a reconstituées lui-même[1].

Cavaignac s’était laissé toucher par l’hypothèse que la pièce de 1894 aurait été gardée en fragments, sans être reconstituée, jusqu’à 1896 ; Henry, involontairement, aurait brouillé les morceaux des deux pièces. En tout cas, il était équitable de laisser à Henry la chance de se raccrocher à la supposition de Boisdeffre et de Gonse, quitte à discuter ensuite. Il lui tendit cette perche.

Henry l’aurait saisie des deux mains si Gonse l’avait prévenu, lui avait soufflé ce mensonge. Mais Gonse, comme on a vu, n’en avait rien fait. Docile aux ordres du ministre, il avait mené Henry à l’abattoir, sans le mettre en garde, même d’un mot.

  1. Je suis pas à pas le procès-verbal. (Revision, 98 à 104).