Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/267

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BRISSON


« Le prétendu aveu qu’il aurait fait à Lebrun-Renaud n’est que le résultat d’une manœuvre intéressée de ses adversaires. » Billot a été trompé par le faux d’Henry ; il avait cru, depuis le petit bleu, à la culpabilité d’Esterhazy. Boisdeffre ne paraissait pas convaincu de la culpabilité de Dreyfus ; il n’a opposé à Picquart que la fausse lettre à l’encre sympathique : jamais il ne mit rien [d’]autre en avant, Gonse, lui aussi, n’a jamais combattu ouvertement l’innocence de Dreyfus ni invoqué les aveux. Si les artisans de la condamnation avaient été sûrs de leur fait, ils n’auraient pas cherché à la renforcer par des faux et à ruiner par des machinations les défenseurs du condamné. — Enfin, Picquart, qui s’était cru jusqu’alors tenu par le secret professionnel, remerciait Sarrien de l’en avoir délié : « Vous m’avez donné l’occasion de faire ce que je voulais faire depuis deux ans : soulager ma conscience en disant toute la vérité à celui qui est le suprême arbitre de la justice, l’un des gardiens de l’honneur de ce pays[1]. »

cette joie de se libérer d’un tel poids n’était pas la seule qui éclairât la cellule de Picquart. Après soixante jours de détention préventive, il s’était décidé, depuis la chute de Cavaignac, à demander sa mise en liberté provisoire[2] ; la ridicule affaire, où il était impliqué avec Leblois, allait venir devant des juges déjà édifiés par les aveux d’Henry ; il ne doutait pas que son ami et lui seraient mis hors de cause, et que ce serait la fin de ses épreuves. Il avait envoyé une assignation au journal d’Alphonse Humbert qui, renseigné par Cuignet, l’accusait d’avoir falsifié le petit bleu pour le compte du Syn-

  1. Revision, 108 à 118.
  2. 8 septembre 1898. — Le 11, Richard, président de la neuvième chambre, refusa de statuer, vu que Picquart et Leblois étaient poursuivis devant la huitième.