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BRISSON


cution, confiant dans l’avenir. — Le lendemain, sur les réquisitions du procureur général, il fut transféré au Cherche-Midi et mis, par ordre de Zurlinden, au secret[1].

Il ne fléchit pas plus sous l’absurde, l’infernale accusation de faux que sous tant d’autres dont la méchanceté et la vengeance l’avaient poursuivi. Il écrivit à Gast : « Je suis bien ici, presque aussi bien qu’au Mont-Valérien, et plus que jamais en repos avec moi-même. »

Il hanta alors toutes les pensées et, absent de l’Affaire, y passa au premier plan. On le détestait, on l’admirait, on le plaignait. Le vieux Lalance me dit : « Je l’envie. »


XII

Brisson laissa crever l’orage.

Clemenceau l’insulta cruellement : « Que dire de Brisson qui nous mène, en se lamentant sur sa destinée, aux catastrophes dernières ? Plus bête que lâche ou plus

  1. La loi du 8 décembre 1897 sur l’instruction criminelle supprime le secret dans les prisons civiles ; les accusés ont le droit de communiquer librement avec leur avocat et de l’avoir avec eux à l’instruction. Le législateur avait négligé d’abroger l’article 112 du Code de justice militaire. Constans, l’initiateur de la réforme, annonça qu’il en proposerai l’abrogation dès la rentrée des Chambres. Labori, en renonçant, devant le tribunal, à la demande convenue de mise en liberté provisoire, espérait que la détention de Picquart se continuerait à la prison civile conformément à la jurisprudence. L’article 610 du Code d’instruction criminelle précise, en effet, que l’inscription de sortie portera la mention de l’ordonnance, de l’arrêt ou du jugement en vertu duquel elle aura lieu.