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BRISSON


civils », — ce qui n’avait pas de sens ou voulait dire qu’il fallait envoyer le ministre démissionnaire à la guillotine. — Aussitôt, Albert de Mun : « Je demande au président du Conseil ce qu’il entend faire de ces deux jours pour lesquels il réclame un blanc-seing. » Le temps était loin où toute la Chambre l’acclamait quand il dénonça le Syndicat ; beaucoup murmurèrent quand il constata que « c’était le troisième ministre de la Guerre qui s’en allait plutôt que de s’associer à la Revision », et quand il posa, une fois de plus, la question empoisonnée : « Par quels moyens, avec quelles ressources cette campagne est-elle entretenue, non pas seulement dans toute la France, mais d’un bout de l’Europe à l’autre ? » Cependant, la Peur, les spectres étaient rentrés dans la salle. Ribot appuya l’ajournement, mais eut un mot malheureux sur Chanoine : « Il n’a pas mesuré toute la portée de l’incident. »

Ces discours, une apparition de Cavaignac, qui avait hâte d’aborder le débat sur Dreyfus et d’afficher sa sérénité devant cette Chambre qu’il avait trompée et couverte de ridicule[1] ; l’intervention d’un autre inconscient, Baudry d’Asson, qui voulait mettre le ministère en accusation, ramenèrent Brisson sur la défensive. Et il y fut bien plus, quand le vieux de Mahy, qui avait la manie de dénoncer les protestants comme vendus à l’Angleterre et avait l’air lui-même d’un tartufe anglican, proposa d’ajouter à l’ordre du jour « l’invitation au Gouvernement à mettre fin à la campagne d’injures contre l’armée ». Il n’allait pas, comme Berger, député de Paris, jusqu’au blâme pour le passé,

  1. « Je n’ai pas besoin d’affirmer ici la suprématie du pouvoir civil ; je l’ai affirmée comme ministre de la Guerre. » — Montebello : « Vous avez affirmé aussi autre chose : l’authenticité d’un faux. »