Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
421
LA SOUSCRIPTION HENRY


remercie[1]. « L’abbé Pichot venait de faire paraître sa brochure sur la Conscience chrétienne et l’Affaire, sous forme d’une lettre à la Croix. Il y rappelait quelques vieilles sentences démodées : « Si vous n’aimez que vos amis, vous n’êtes pas meilleurs que les païens… Si votre justice n’est pas meilleure que celle des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » Et, très noblement, il expliquait les motifs de son intervention : « Parce qu’il y a des circonstances où un professeur de sciences mathématiques et physiques, surtout si c’est un prêtre, ne doit plus se contenter d’enseigner que les rayons secteurs des planètes balayent des aires égales en des temps égaux… Ce serait trop commode de s’abstraire ainsi, loin des passions et de la haine. » Il se souvenait enfin d’avoir appris du P. Gratry que la morale et la géométrie sont sœurs, qu’il y en a partout, selon le mot de Leibnitz ; et il ne voulait pas rester solidaire de ceux qui trompaient le peuple et le clergé[2]. Aussitôt le général qui commandait à Limoges fit savoir à l’évêque qu’il romprait toutes relations si l’abbé Pichot continuait à enseigner au collège libre de Felletin. Un journal local[3] le poursuivit d’outrages. L’évêque finit par céder. Le prêtre eût pu mourir de faim si Albert de Monaco ne l’avait nommé à l’une des trois cures de sa principauté.

Il n’est nullement certain que la parole du frêle vieillard blanc, au sourire voltairien, qui régnait alors au Vatican, eût arrêté les politiques pour qui la religion

  1. Libre Parole des 3 et 6 décembre 1898.
  2. « Le clergé a été dupe. Il a donné sa confiance aveugle aux chefs militaires comme il l’avait donnée à Léo Taxil. Il a cru au Syndicat de trahison comme il croyait à Diana Vaughan. » (Lettre du 12 décembre au Figaro.)
  3. L’Avenir du Puy-de-Dôme.