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LA SOUSCRIPTION HENRY


tâchais d’esquisser au jour le jour, sans rencontrer Henry ; derrière chaque mensonge : Henry ; derrière chaque faux : Henry.

Le premier argument pour Dreyfus, c’était cette vérité élémentaire : « Pas d’acte sans mobile. » Quel a été le mobile d’Henry ?

Au procès de Zola, sous les comédies violentes qu’il joua, l’homme m’avait paru double et triple, nullement un soudard. Lemercier-Picard me le dénonça comme l’un des instigateurs du piège qui m’avait été tendu. Je ne fus point dupe du plus fameux de ses faux, mais sans soupçonner qu’il en fût l’auteur. D’autre part, bien qu’acharné contre Du Paty, j’avais observé qu’il n’était rien au bureau des Renseignements ; et que, certainement, quelqu’un du service lui avait remis le document libérateur pour Esterhazy.

Vinrent ses aveux, son suicide et, tout de suite, son panégyrique par Maurras, la soudaine transformation du faussaire en héros, pour dérouter l’opinion et comme pour l’empêcher de fouiller plus avant.

J’essayai d’appliquer un peu de méthode cartésienne au peu qu’on savait alors de cette histoire (20 octobre).

La mensualité d’Esterhazy chez Schwarzkoppen (2.000 marks) semble considérable « pour un espion qui n’aurait pas eu d’associés à rétribuer ». Le marquis de Moustier, ministre de France à Berlin, paya 500 francs, au mois de mai 1855, le document qui révélait que la Russie était à bout de forces, la garnison de Sébastopol décimée par le typhus, le bastion de Malakoff le point vulnérable, alors que les assiégeants le tenaient pour imprenable. Autre chose : « L’enquête qui a abouti à l’arrestation de Dreyfus avait pour origine la constatation de fuites dans les bureaux de l’État-Major. » Or,