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CAVAIGNAC MINISTRE


avait fait demander à Brisson (par un intermédiaire) de le voir, mais « dans une maison tierce » ; Brisson répondit qu’il ne le recevrait « qu’ostensiblement, dans son cabinet au ministère[1] ». Feuilloley avisa le garde des Sceaux qui informa Cavaignac.

Il était arrivé à un tel degré d’infatuation qu’aucun obstacle n’était pour l’arrêter. Il décida qu’il n’y avait qu’à marcher sur ces gens. Et tout de suite, sans perdre une heure[2], il saisit le Conseil de sa plainte contre Picquart, non pas en raison de la lettre du colonel à Brisson, mais des vieilles histoires, défigurées ou inventées par Henry, la communication à Leblois du dossier Boulot, du dossier des pigeons voyageurs et du dossier secret. Il exposa que « ces dossiers intéressaient la défense du territoire et la sûreté extérieure de l’État », et, par conséquent, que Picquart et son « complice » Leblois tombaient sous le coup de la loi sur l’espionnage[3]. Pour Esterhazy, il fit savoir qu’il avait signé la veille l’ordre spécial qui l’envoyait devant un conseil d’enquête[4], et il ne fit nullement opposition à ce que Bertulus perquisitionnât chez lui, parce qu’il comptait mettre ainsi la main sur les papiers dont le misérable l’avait menacé ; mais il exigea que le réquisitoire de Feuilloley fût limité étroitement à l’affaire des télégrammes[5]. Et tout cela fut réglé en quelques minutes, sans qu’il se trouvât quelqu’un pour objecter que poursuivre Picquart n’était pas lui répondre, Cavaignac, plus impérieux que jamais, Brisson et Sarrien empres-

  1. Brisson (Siècle du 6 novembre 1903), et Souvenirs de Mathieu Dreyfus.
  2. 12 juillet 1898.
  3. Article 1er, § I, de la loi du 18 avril 1886. — Instr. Fabre, 3, Plainte du ministre de la Guerre, du 12 juillet 1898.
  4. Ord. du 11 juillet 1898. (Cass., II, 175.)
  5. Cass., I, 222, Bertulus.