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LE DESSAISISSEMENT


le citer, quand l’un des membres de la commission se rappela et fit consigner « que M. le conseiller Chambareaud était notoirement atteint d’une maladie de vessie »[1].

En conséquence, Mazeau, Dareste et Voisin adressèrent leurs « conclusions » à Lebret, le 27 janvier :

Monsieur le Garde des Sceaux,

Nous avons l’honneur de vous remettre, avec l’avis que vous nous avez demandé, les dépositions recueillies dans l’enquête officieuse que vous nous avez confiée et qui portait sur les derniers faits signalés par M. Quesnay de Beaurepaire.

Il en résulte pour nous cette impression qu’il serait sage, dans les circonstances exceptionnelles que traverse le pays, de ne pas laisser à la Chambre criminelle seule la responsabilité de la sentence définitive. Depuis trois mois, en effet, nos collègues poursuivent une instruction laborieuse, au milieu d’un déchaînement inouï de passions opposées qui ont pénétré jusque dans le prétoire. N’est-il pas à prévoir qu’un arrêt rendu dans de telles conditions serait impuissant à produire l’apaisement dans les esprits, et manquerait de l’autorité nécessaire pour que tout le monde s’incline devant lui ?

Nous ne suspectons ni la bonne foi, ni l’honorabilité des magistrats de la Chambre criminelle ; mais nous craignons que, troublés par les insultes et les outrages, et entraînés, pour la plupart, dans des courants contraires par des préventions qui les dominent à leur insu, ils n’aient plus, après l’instruction terminée, le calme et La liberté morale indispensables pour faire l’office de juges.

  1. Note signée : Mazeau, Dareste, Voisin.