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CAVAIGNAC MINISTRE


messe que, cette fois, Zola accepterait le débat, malgré l’assignation tronquée. Il l’avait annoncé précédemment, : « Trois lignes, c’est encore trop ! Qui sait, dans ces trois lignes, s’il ne va pas brusquement se déclarer une fenêtre, laissant passer le libre soleil[1] ? »

C’était mon avis, celui de beaucoup de revisionnistes ; ce ne fut celui ni de Clemenceau ni de Labori, qui persuadèrent à Zola de faire défaut si la cour d’assises n’autorisait pas la preuve sur les faits connexes. Or, il était certain d’avance que Périvier, le président de la Cour, ne s’y prêterait pas.

À l’audience, Labori développa sa thèse : ne pas admettre comme partie civile les officiers du conseil de guerre ; autoriser Zola à déposer, avant l’appel du jury, des conclusions sur l’étendue et l’admissibilité de la preuve. Comme ces moyens étaient « directement contraires » à l’esprit et à la lettre de la loi[2], le procureur général Bertrand y riposta par un mot qui fit fortune : « Quand on a proposé un duel à des officiers, quand on les a souffletés, on ne fuit pas dans le mâquis de la procédure. » La cour rejeta. Labori déclara alors qu’il se pourvoyait en cassation ; Périvier et ses assesseurs décidèrent que le pourvoi n’était pas suspensif[3] ; et Zola quitta la salle des assises au milieu d’un vacarme effroyable. Déroulède, debout dans une tribune, hurlait : « Hors de France ! À Venise[4] ! »

  1. Aurore du 13 avril 1898. — Cet article na pas été reproduit par Zola dans son volume, la Vérité en marche.
  2. Cour de cassation, arrêt du 5 août 1898.
  3. Ce qui fut également confirmé par la Cour (Même arrêt).
  4. Il échangea ensuite quelques injures avec Hubbard. Le duel eût lieu le soir même, presque à la nuit. Hubbard, dans un corps à corps, écarta de la main gauche l’épée de Déroulède, la faussa ; l’ancien député radical s’excusa de cette incorrection involontaire, mais Déroulède refusa de reprendre le combat. Féry d’Esclands approuva Déroulède et ses témoins.