Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/592

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
588
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


plusieurs routes de Paris[1], — Déroulède, bon gré mal gré, s’inclinerait devant l’héritier de tant de rois.

Tout était si fou dans cette équipée en partie double que ce rêve du duc ne l’était pas plus que le reste. Il était cependant visible que tout ce qu’il y avait de courant était pour Déroulède, et qu’il n’y avait pas une chance sur mille de confisquer l’opération.

Déroulède, après avoir passé toute la journée et la première partie de la nuit à recevoir de nombreux visiteurs, civils et militaires[2], s’était retiré dans son cabinet de travail à la Ligue, — l’ancien boudoir de Mlle de Coigny, la jeune captive d’André Chénier[3], — toujours avec le seul Marcel Habert, et ravi de son personnage, ne s’étant pas encore trouvé à pareille fête, « il marquait sur un plan de Paris », comme l’eût fait Napoléon, « les divers emplacements des troupes »[4].

  1. Haute Cour, I, 7, rapport du préfet de police, Charles Blanc.
  2. Rapport Hennion du 23 février 1899.
  3. Barrès (Scènes du Nationalisme, 235) note ce détail, mais appelle la jeune captive « Mlle de Coislin ».
  4. Je suis ici le récit de Déroulède dans son discours du 23 février 1901, à Saint-Sébastien, pour l’anniversaire de l’échauffourée de Reuilly. Précédemment, à l’instruction Pasques et au procès de la Haute Cour, il n’avait fait allusion qu’incidemment à cet épisode. Même à Saint-Sébastien, il désigna seulement son interlocuteur par une périphrase : « Quelqu’un dont je tairai le nom, mais que j’avais des raisons de croire tout à fait des nôtres. » La certitude qu’il s’agit de Castellane résulte non seulement de conversations particulières de Déroulède qui m’ont été rapportées, mais du récit de Spiard, des articles de Gaston Méry, dans la Libre Parole (29, 30 et 31 mai 1902), qui n’ont pas été contestés sur ce point par les intéressés, de l’article du Figaro (14 mars 1901) qui avait été écrit sur des confidences de Cassagnac, et du démenti même adressé au Figaro par Castellane. « Nulle part Castellane ne nie le fait matériel de sa visite à Déroulède et il s’indigne seulement (dans sa lettre à de Rodays, du 14 mars) du rôle qu’on lui attribue d’avoir trahi Déroulède et averti le Gouvernement ou Pellieux. » (Gaston