Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


dimanche suivant, aux courses de Longchamp, d’y faire voir qu’on ne se laisserait pas intimider.

À peine sorti du marais, de nouveau l’on s’enlisait. Les anciens partis (sauf les socialistes), disloqués, désemparés, ayant perdu dans l’Affaire jusqu’à leur personnalité, n’avaient trouvé que des phrases pour répondre à la provocation royaliste ; même l’espèce de Comité de Salut public qui venait de se constituer (les bureaux des groupes républicains des deux Chambres réunis en permanence « pour surveiller les événements ») était sans initiative ; en cherchant à suppléer à l’absence de gouvernement, il ajoutait seulement à l’anarchie. Dupuy recevait leurs délégués sans mauvaise humeur, écoutait leurs doléances, y ajoutait les siennes, n’en faisait pas plus.

Cassagnac, dans son discours du 5, avait repris la thèse de Sabran et de Drumont : « Ce ne sont pas les muscadins qui ont manifesté à Auteuil, c’est le peuple de Paris… Ce n’a pas été seulement le Président, mais la République elle-même qu’ils ont huée… Le peuple de Paris est descendu hier dans la rue et il y descendra encore. » Cette légende et ce défi, pouvait-on les laisser sans réponse ?

La manifestation fut inventée, décidée par les journaux revisionnistes. Ils virent très bien que la Réaction s’enhardissait de la paralysie officielle ; pour lui donner à réfléchir, rendre confiance au pays, il fallait un acte, fut-il d’allure révolutionnaire. Et, tout de suite, le calcul se trouva juste. Dès le premier appel répandu dans les faubourgs, il fut manifeste que les militants y répondraient et seraient suivis, que l’offense à Loubet, « pour atteindre la République[1] », avait été ressentie.

  1. Manifeste des groupes socialistes du XIIIe arrondissement.