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DÉFENSE RÉPUBLICAINE


caux comme les modérés avaient voulu lui imposer : ce sera une date dans l’histoire du monde ouvrier. Mais, outre que ces audaces n’étaient pas pour déplaire à l’artiste qui survivait chez lui sous le politique et sous l’avocat, il tenait que Millerand, d’une part, Galliffet, de l’autre, seraient les pierres de touche où il reconnaîtrait la sincérité des concours qu’on lui promettait pour l’engager. Il me pria, en conséquence, d’aviser les principaux revisionnistes et les socialistes, y compris Millerand, de ses intentions.

Les députés socialistes s’étaient réunis précisément ce jour-là (21 juin), qui était le dixième de la crise. Millerand leur ayant fait part des offres qu’il avait reçues l’avant-veille, sa communication fut accueillie avec beaucoup de faveur ; un Marseillais, Cadenat, alla jusqu’à proposer d’engager la responsabilité du groupe « par un vote officiel et public ». La motion fut combattue par Vaillant. Le vieux révolutionnaire ne s’opposa toutefois qu’à la sorte de délégation qu’on voulait donner à Millerand, nullement à son entrée éventuelle dans un ministère, mais à condition que ce fût « en son nom personnel » ; sur quoi Millerand, qui tenait à rester libre, se déclara d’accord avec Vaillant pour repousser l’investiture[1]. L’important, qui lui parut acquis, c’était qu’il serait résolument appuyé par son parti. Pourtant, on n’avait pas encore parlé de Galliffet comme ministre de la Guerre.

Ce fut à l’issue de cette réunion que je me rencontrai

  1. Vaillant, à l’en croire, n’aurait pas attendu la motion de Cadenat pour formuler sa réserve : « Si la combinaison avait abouti, j’étais obligé de dégager notre parti de toute solidarité avec vous. » (Congrès socialiste de Lyon, 28 mai 1901.) — Je suis la version de Jaurès et de Millerand. (Mouvement socialiste du 15 avril 1901.)