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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


aventureux, Leygues et Delcassé, qui gardaient leurs portefeuilles, Caillaux, fils d’un ancien ministre du Seize-Mai, Monis, Jean Dupuy et Albert Decrais, préfet sous Thiers et sous Mac-Mahon, puis ambassadeur à Rome, à Vienne et à Londres, et dont les opinions ne dépassaient pas l’ancien Centre-gauche de Dufaure et de Léon Say ; ni même le nom de Galliffet ne suffirent à rassurer les modérés. Réunis d’urgence, sous la présidence de Méline, ils partirent aussitôt en guerre et se déclarèrent en permanence ; ils se refusaient « à tolérer » un cabinet où Waldeck-Rousseau, « hypnotisé par le seul souci de l’Affaire », faisait entrer « un collectiviste révolutionnaire » et donnait ainsi aux socialistes droit de cité dans le gouvernement. Les radicaux, qui avaient seulement deux des leurs, Lanessan et Baudin, dans le cabinet, ne furent pas moins surpris, feignirent une horreur tout animale pour Galliffet, surtout ne se souciaient pas de justifier l’ironique espérance de Clemenceau, après l’arrêt des Chambres réunies, que « les lâchetés rassurées se donneraient des airs de vaillance[1] ». Les révolutionnaires, à feu contre Mil-

  1. Opinions recueillies à la Chambre, par un rédacteur de la Liberté : « C’est de la folie pure, de la démence aiguë ! » (Pelletan). « Il est impossible d’accepter ça ! » (Mesureur). « Confier la garde de la République au massacreur de Mai c’est une infamie ! » (Dujardin-Beaumetz). « C’est monstrueux ! ». (Chapuis). — Les sénateurs radicaux, questionnés par un rédacteur du Gaulois, ne furent pas moins vifs : « C’est de la folie ! » (Hugot). « C’est une honte ! » (Baduel). « La folie règne en maîtresse ! » (Verninac). « C’est inouï ! » (Leporcher). — La majorité du groupe radical-socialiste ayant décidé « de soutenir le cabinet, s’il prenait les mesures nécessaires de défense républicaine », Pelletan, qui présidait, Mesureur, Villejean, Decker-David et Klotz donnèrent leur démission (qu’ils retirèrent la semaine suivante). La discussion fut des plus orageuses ; Pelletan traita le ministère de « monstrueux », (Éclair du 25 juin 1899).