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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


absolument tout, au conseil de guerre » et que, « l’action hiérarchique s’arrêtant au seuil (qu’il avait franchi lui-même, avec ses pièces secrètes) de la chambre des délibérations des juges », Dreyfus serait condamné en 1899 comme il l’avait été en 1894[1] ; — des propos imbéciles ou comminatoires du commandant Carrière qui préludait à ses fonctions de commissaire du gouvernement à Rennes en racontant à des journalistes que « la Cour de cassation » avait jugé « à distance », que l’arrêt des trois Chambres n’était, dès lors, qu’une opinion, que les militaires auraient la leur et que, pour lui, il ne ferait pas « les commissions » du gouvernement[2] ; — les officiers débridés : un ordre du jour du général Metzinger contre les fauteurs d’une « odieuse » campagne, acharnés « à représenter les chefs comme des brutes[3] » ; un autre du colonel de Saxcé sur sa querelle avec Pressensé, « individu indigne d’un coup

    qui règne et gouverne… » (Libre Parole.) « Massacreur, traître et voleur. » (Anti-juif.) « Les juifs et les francs-maçons règnent désormais sans contre-poids. » (Écho.) « La liste ministérielle a l’air d’avoir été composée par un aliéné. » (Éclair.) « J’en demeure stupide ; c’est un loto charentonnesque. » (Liberté). « C’est comme si l’on mettait Robert-Macaire gouverneur de la Banque de France et Cartouche ministre des Finances. » (Autorité.) « Le nouveau-né est un monstre ; à quand la Terreur ? » (Coppée, dans le Gaulois.) « On veut terroriser une armée adorée. » (Lemaître.)

  1. Discours à la Ligue de la Patrie française, 17 juin 1899. « La salle entière se lève, les hommes agitent leurs chapeaux, on acclame le général. » (Libre Parole du 18.)
  2. Il dit encore qu’il citerait Mercier et Casimir-Perier « pour qu’ils vinssent dire pourquoi ils avaient tous affirmé que Dreyfus était coupable » : « Les militaires ne sont pas aussi naïfs qu’on veut les représenter. » (Gaulois du 13.) — Casimir-Perier s’étant fâché d’avoir été mis en cause, Krantz interrogea Carrière, qui protesta « qu’il n’avait pas même prononcé son nom. » (Rennes, I, 67, Casimir-Perier.)
  3. Ordre (n° 6) aux régiments composant le 15e corps d’armée (Marseille).