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LE RETOUR DE L’ÎLE DU DIABLE


convenait du pacte, qu’il avait conclu avec le duc et avec les bonapartistes ; réservant l’avenir, en échange des concours qui lui sont accordés, « il n’entrera à l’Élysée que pour balayer ceux qui y sont, non pour prendre leur place », et il sera seulement « un tribun du peuple[1] ».

Les royalistes venaient maintenant en masse à ses réunions, les jeunes gens des cercles, les assommeurs de Sabran et de Guérin, qui l’applaudissaient, juraient de le suivre, « de combattre à ses côtés pour bouter hors de France les ennemis de la Patrie[2] ». Quelques-uns, oubliant la consigne, criaient : « Vive le Roi ! »

La Ligue de la Patrie française poussa de son côté au coup d’État, Coppée et Barrès brutalement, Lemaître avec des précautions de langage, expliquant que « les officiers subalternes ne demandaient qu’à marcher », mais que « les grands chefs » hésitaient ; « leur rôle pourrait être brillant, mais terriblement dangereux[3] ». Enfin la banque catholique et quelques agents de change pesèrent sur le cours de la rente, exploitèrent contre le gouvernement la baisse qu’ils provoquaient eux-mêmes sur les fonds publics[4]. Tout cela constituait une force au moins égale

  1. Compte rendu du Gaulois.
  2. Michelin, secrétaire de la Jeunesse royaliste, dans le Gaulois du 18 juillet 1899.
  3. Écho du 10.
  4. On fit courir, à la Bourse du 27, le bruit que plusieurs membres du conseil supérieur de la Guerre et le premier président de la Cour de cassation étaient démissionnaires. L’ouverture d’une enquête de police et l’annonce d’une instruction judiciaire calmèrent les spéculateurs. — Le 5 août, le fondé de pouvoirs d’un agent de change écrivait à Thiébaud : « La baisse de la rente a produit un gros effet… Il n’y a pas de gouvernement qui puisse surmonter de pareilles émotions… Si le Petit Journal voulait donner un coup de pouce, ça irait, à merveille. » (Haute Cour.)