Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/281

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RENNES


lambeaux d’aveux, et toujours mêlés de mensonges et de réticences, tantôt se faisant payer des intervalles de silence par ses anciens amis. Comme il croyait à l’acquittement de Dreyfus[1], il guettait surtout dans le procès de Rennes une dernière occasion de tirer argent des munitions qui lui restaient. L’innombrable correspondance dont il harcela alors son avocat Cabanes[2] et les rédacteurs de la Libre Parole n’a pas d’autre objet. Il avait fait avertir Freycinet (en mars) que ses papiers et un récit circonstancié de son histoire étaient déposés dans une banque de Londres et que, s’il venait à disparaître, comme Henry ou Lemercier-Picard, le tout serait aussitôt publié[3], même « les lettres qui avaient le grave tort d’être très compromettantes pour un autre malheureux[4] ». D’autres fois, il essayait sur des journalistes de nouveaux mensonges, d’ailleurs inexplicables : « Je suis l’auteur du bordereau, mais non pas de celui qui a été communiqué aux experts et qui n’est qu’une copie du mien[5]. »

Malgré l’assurance de Roget qu’il avait « rogné les

  1. « Ma substitution à Dreyfus est chose décidée entre le gouvernement et les généraux… Le conseil de guerre de Rennes est un conseil d’artilleurs de choix ; Dreyfus sera acquitté, c’est promis, juré… Le conseil de guerre se refusera formellement à chercher les preuves de la culpabilité de Dreyfus… etc. »
  2. Voir t. IV, 521.
  3. « Vous pouvez assurer en toute certitude qu’on paiera cher les infamies et les lâchetés dont on m’a abreuvé à saturation. J’en ai assez, j’en ai assez, et je montrerai à tous ces émasculés de quatre sous ce que c’est qu’un condottiere, puisque condottiere il y a. »
  4. Lettre du 1er avril 1899 à Cabanes : « Les lettres qui sont chez N… ont le grave tort d’être très compromettantes pour un autre malheureux ; je ne les produirai qu’à la dernière extrémité. » Il s’agit manifestement d’Henry.
  5. Liberté du 14 juillet ; Rennes, II, 568, Belhomme.