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le procès), à savoir qu’elle ressemblait à celle de Dreyfus et que cette analogie avait été la cause de son arrestation, et aussitôt il entama l’éternelle discussion si Dreyfus avait pu connaître les informations qui étaient énumérées sur le papier pelure d’Esterhazy.

Dreyfus, s’il n’avait pas repris avec son uniforme d’emprunt toute sa passivité militaire, aurait refusé de diminuer sa défense par la discussion de ces arguties : « Qu’y a-t-il d’écrit sur une note qu’on n’a pas, aurait-il répliqué, sur une note qu’on n’a jamais lue ni vue ? Le frein hydraulique, les troupes de couverture, les formations de l’artillerie, l’expédition de Madagascar, il n’y avait pas, en 1894, un officier qui n’eût pu écrire une note, pas un journaliste militaire qui n’eût pu écrire un article sur chacun de ces quatre sujets. Esterhazy lui-même a déclaré qu’il connaissait, à l’automne de 1894, tous les éléments du bordereau. Il allégua seulement que, n’étant allé qu’en août aux écoles à feu, il n’avait pu les connaître au printemps, et que le bordereau était de mars ou d’avril[1]. C’était la date, en effet, que l’accusation lui attribuait alors, mais cette date, déjà, était un faux ; Gonse, Boisdeffre, Mercier lui-même, en sont convenus depuis[2]. Ainsi Esterhazy, de son propre aveu, aurait pu écrire toutes les notes du bordereau à l’époque, en septembre, où il a été pris à l’ambassade d’Allemagne, et, de son propre aveu encore, à la veille de l’arrêt des Chambres réunies, c’est lui qui l’a écrit. Que savez-vous si les renseignements d’Esterhazy n’étaient pas des plus vulgaires ? Vous voulez qu’ils aient été

  1. Affaire Esterhazy. 129, 130, et Enquête Pellieux (Cass., II, 99 à 101). — Voir t. III, 102.
  2. Procès Zola, II, III, Pellieux et Gonse ; Cass., I, 18, Cavaignac ; 42, Zurlinden ; 57, Roget. — Voir t. III, 430 et t. IV, 368, etc.