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RENNES


par ce Fructidor atténué, avait voulu surtout nettoyer la rue, ce qui était, en effet, l’un de ses objectifs. Libéraux et radicaux se réservèrent, inquiets les uns des conséquences, les autres du bien-fondé de l’audacieuse opération. « Si le complot (d’avant Reuilly) avait été réel, Dupuy serait inexcusable[1]. » Waldeck-Rousseau eut toute la responsabilité. Il ne s’était ouvert de son dessein à personne en dehors de ses collaborateurs immédiats ; les conspirateurs, qu’il mettait dans l’impossibilité de nuire, et les républicains, qu’il préservait, furent également surpris. Le coup fait, point de phrases, rien qu’une note très simple. Les mêmes gens, qui avaient monté l’attentat de Reuilly et avaient promis de recommencer, allaient tenir parole ; le gouvernement, averti, a résolu de les devancer ; l’instruction est confiée au juge Fabre[2]. En une nuit, la République était dégagée, sans une goutte de sang, par le seul réveil de la Loi.

Il n’est pas douteux que la conspiration avait des complices dans le corps d’officiers. Waldeck-Rousseau n’en voulut impliquer aucun. Donner à croire que l’armée n’a pas cessé d’être fidèle, c’est à la fois la servir et la préserver. Un avertissement suffira : la suppression des tentateurs (en prison ou en fuite).

À Rennes, le 12 août au matin, quand le conseil de guerre reprit ses séances, rien des événements de la nuit n’y avait encore transpiré.

  1. Charmes, Revue des Deux Mondes du 1er septembre 1899 : « La nouvelle du grand complot a rencontré de l’incrédulité. »
  2. Note Havas du 12 août.