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RENNES


core une fois, se retourna, braqua son arme et échappa d’un bond, poussant toujours son cri de fou. Tantôt à grande allure, tantôt au pas allongé, pour reprendre haleine, il laissa bientôt ses poursuivants loin derrière lui[1]. Il cria à un vieil homme : « Si je peux passer la rivière, je les em.....[2] ! »

Pourquoi révéler son itinéraire ? Donnait-il le change ? Une fois sorti de la basse ville, quand il aura plongé dans les fourrés des champs voisins comme dans une mer, il pourra, selon les circonstances, passer, au gué de Baud, de la rive gauche à la rive droite de la Vilaine, vers les grands bois de Rennes et de Sevailles qui remontent sur Saint-Aubin-du-Cormier et Fougères, ou prendre vers le Sud-Est, par l’ancien pays des Chaumes, dans la direction de Chantepie, Châteaugiron et des bois de la Guerche.

Au bout d’un quart d’heure, Picquart et Gast, essoufflés, ayant couru pendant près de deux mille mètres, s’étaient arrêtés[3] ; seul, le domestique galopait encore, à environ trente mètres, mais « tenu en respect » par le revolver. Il lui parut que « l’individu, dans le petit chemin étroit et couvert où il s’était maintenant engagé, avait toute facilité pour se dissimuler derrière un buisson et tirer ». Il s’arrêta donc à son tour et « battit en retraite pour chercher du renfort », criant à pleins poumons[4].

Comme il revenait sur ses pas, il rencontra un agent et un gendarme qui avaient pris la tête des forces de

  1. Récits de Picquart et de Gast.
  2. Temps du 15 : « J’interroge l’homme que m’a désigné le colonel Picquart… »
  3. « L’assassin nous échappe dans les prés et les haies, hors ville. » (Lettre de Gast.)
  4. Instr. Guesdon, Pierre Bouvier.