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RENNES


serait moins aisément tiré du questionnaire de Labori. C’était encore une illusion. Nous allons revoir Labori à l’audience et Mercier échappera à nouveau, traqué sans doute avec plus de vigueur par ce chasseur plus jeune et moins ménager de sa poudre, mais faisant tête avec le même sang-froid, se dérobant dans les mêmes obscurités et aussi insensible aux coups[1]. Jusqu’au bout, dans l’optique contradictoire des passions, il apparaîtra, dans le même moment, vainqueur et vaincu, abîmé sous tout ce passé de ténèbres et grandi par lui, par la confession de tout ce qu’il a osé pour sauver l’armée.

XII

Les autres ministres de la Guerre passèrent à leur tour le défilé, Billot et Chanoine mal à l’aise, à bout d’arguments, Cavaignac et Zurlinden plus solides, en raison de leurs œillères, et faisant bouclier, selon la consigne, de Bertillon. — Cavaignac, après avoir longtemps professé que l’anthropométreur était dénué de sens commun, a été « convaincu » récemment par le fol lui-même[2] ; Zurlinden l’a été par un officier du génie, le commandant Corps[3], qui avait perfectionné le système et en avait fait l’objet d’un mémoire versé au dossier. — Cavaignac, en outre, insista sur les aveux, ce qui lui attira une vive réponse de Dreyfus[4], et sur la

  1. Voir p. 399.
  2. Rennes. I, 193, Cavaignac. — Voir t. IV, 8 et 367.
  3. Ibid., I, 211, Zurlinden.
  4. Ibid., 204, Dreyfus : « Quand on est venu affirmer ses convictions sur un faux, je m’étonne qu’on vienne encore aujourd’hui apporter des arguments dont la Cour de cassation a fait justice. »