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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

XVI

Le drame de Rennes domine l’opinion, mais n’est pas seul à l’occuper.

Nous avons laissé Guérin se barricadant dans son fort Chabrol, après que l’agent chargé de l’arrêter eut commis la faute de ne point le prendre au gîte connu de sa maîtresse. C’était si peu explicable (comme la plupart des maladresses) qu’on soupçonna Waldeck-Rousseau d’avoir cherché une diversion et Guérin d’être à la police[1].

Guérin (j’en ai eu la certitude) n’était qu’à son duc, mais deux ou trois de ses camarades étaient à la solde de Puybaraud et son frère Louis avait des amis à la Préfecture[2]. — Dès que deux antijuifs (ou deux anarchistes) avaient quelque différend, ils s’accusaient de manger au râtelier de la Préfecture ou de la Sûreté ; l’injure ne tombait pas toujours à faux. Ce monde d’agitateurs se recrutant aux bas-fonds, l’employeur seul y reconnaîtra les siens. Chaque service ayant ses hommes, mais dont il tient les noms secrets, le service d’à côté peut s’y tromper. On a raconté d’un des conspirateurs qu’au moment où les agents entrèrent chez

  1. Charmes, Revue des Deux-Mondes du 15 septembre 1899 ; Gaston Méry, Libre Parole de mai-juin 1902 ; Spiard, Coulisses. 146 et suiv. ; etc.
  2. Spiard le montre en relations avec un contrôleur général de la Préfecture (181) ; le fait est exact ; pour Guérin, selon Spiard, il soupçonnait ou accusait tout le monde. Ainsi, il « allait jusqu’à dire qu’il connaissait le numéro matricule sous lequel étaient inscrits à la préfecture de police MM. Papillaud et Boisandré » ; « Guixou-Pagès, Max Régis, Galli étaient aussi des casseroles, sans compter Dubuc et Cailly ». (206.)