Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/437

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
427
RENNES

La troupe, si elle avait été commandée, eût marché contre cette bande. Galliffet en répondait, pourtant préférait la laisser dans ses casernes, disait de certains officiers de la place, « qu’ils se défilaient ».

Depuis que Galliffet avait montré par des actes, surtout par la disgrâce de Négrier, qu’il n’entendait point qu’on plaisantât avec la discipline, le corps d’officiers était rentré dans le silence. Mais le silence n’est pas tout l’ordre. L’aberration, d’esprit et de conscience restait la même, les colères (contenues) aussi vives.

La machine était si détraquée qu’il parut plus sage de ne pas avoir de grandes manœuvres, la première fois depuis quinze ans.

Puis, comme si ce n’était pas assez des crimes qui s’étalaient à Rennes, on apprit tout à coup un nouveau drame entre soldats, en plein Soudan[1], quelque chose de hideux et de fou, auprès de quoi les pires déclamations étaient pâles.

Il y avait environ un an que deux officiers, qui avaient déjà fait campagne en Afrique, le capitaine Voulet et le fils du général Chanoine, étaient repartis pour une mission « d’études » dans la région entre le Niger et le Tchad. Ils y commirent les plus épouvantables excès, surtout Chanoine, razziant tout sur leur passage, brûlant les villages, payant les réguliers avec des captifs des deux sexes, « faisant la traite », massacrant les noirs par centaines, éventrant, tuant à coups de lances et pendant les femmes mères, mutilant les cadavres[2],

  1. Dépêches du résident supérieur du Haut Dahomey et du résident de Saï au ministère des Colonies, en date du 19 août 1899 ; note Havas du 21.
  2. Lieutenant-colonel Klobb, Dernier Carnet de route, avec préface de Jules Lemaître ; rapports du capitaine Grandeyre, transmis par le gouverneur général Bergès, du docteur Henric