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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Dreyfus qu’il savait innocent, et il n’était pas homme à lâcher la partie, tout en prenant ses précautions pour que les gens d’esprit ne le crussent pas dupe[1]. Ainsi on colportait de lui des propos comme ceux-ci : « Ce qui nous manque (aux nationalistes), c’est un vrai traître… Je ne pardonne pas à Dreyfus de ne pas être coupable. »

C’était l’évidence que, dans des questions d’une nature si délicate, alors que, des deux côtés de la barre, des personnalités étrangères étaient mises directement en cause et que ni la requête relative aux notes du bordereau ni les citations aux anciens attachés militaires ne pouvaient être transmises sans passer par la voie diplomatique, le gouvernement avait pour devoir d’avoir une opinion et de la faire connaître.

La méthode de Waldeck-Rousseau ne pouvait changer ; il ira au secours de Dreyfus, mais jusqu’au point où il ne portera atteinte ni à l’indépendance des juges ni à la sécurité des relations extérieures.

Ses résolutions furent prises dans la journée (4 septembre). Il fit télégraphier par Galliffet à Carrière de demander, « dans l’intérêt de la manifestation publique de la vérité », « que le huis-clos fût limité à la désignation des personnalités étrangères mises en cause par Cernuski[2] » ; — et par Delcassé à Paléologue de déclarer que « des considérations de l’ordre le plus élevé » s’opposaient à ce que le gouvernement français demandât au gouvernement allemand les notes du bordereau. — Comme on ne pouvait ni risquer un troisième refus, cette fois officiel, de l’Empereur, ni raconter que,

  1. « Il faut avoir la force de lire du Maurice Barrès sans se dégoûter à jamais de la race humaine. » (Jaurès, Petite République du 2 septembre 1899.)
  2. La dépêche fut communiquée à la presse.