Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1905, Tome 5.djvu/529

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
519
RENNES


sonnes à qui je fis part de la communication de Bernard Lazare ; et Clemenceau tint le même langage : que Mathieu était seul qualifié pour prier Labori ou de renoncer à la parole, ou de se condamner à une grande prudence. Au contraire, Cornély partagea le sentiment de Bernard Lazare et fit dans ce sens une lettre à Labori. J’écrivis de mon côté à Mathieu pour lui donner l’opinion de Clemenceau et la mienne, et je lui envoyai par un exprès les deux lettres, le laissant libre de remettre celle de Cornély ou de la garder[1].

Au surplus, le fait que Labori plaidât ou non, qui paraissait très important à Rennes où l’on était trop près des choses pour bien voir, semblait fort secondaire à Paris, où les ministres, depuis le dernier rapport que Galliffet avait reçu de Chamoin, et les principaux revisionnistes ne doutaient plus que Dreyfus serait condamné[2]. Quelques-uns encore, comme pour conjurer

  1. « Jeudi 4 heures : Mon cher ami, le porteur vous remettra une lettre de Cornély pour Labori dans le sens où Bernard Lazare et Victor Simond m’ont téléphoné qu’il fallait lui faire écrire par Clemenceau. — Clemenceau qui sort d’ici (des bureaux du Figaro) se refuse à écrire à Labori. Il estime qu’il n’y a qu’une personne qui ait l’autorité nécessaire et le droit de prier Labori ou de renoncer à la parole ou de se tenir dans certaines limites, et que cette personne, c’est vous. Quand Clemenceau ne veut pas faire une chose, vous savez qu’il n’y a point moyen de l’y contraindre. Au surplus, personnellement, je trouve qu’il a raison. » Et, en Post-scriptum : « Vous remettrez ou vous ne remettrez pas à Labori, selon que vous en déciderez vous-même, la lettre de Cornély, mais mon sentiment personnel est de laisser faire Labori. Je suis, sur ce point, d’accord avec Clemenceau, Calmette et Arène. »
  2. C’est ce qu’annonçait, notamment, un officier d’ordonnance de Galliffet, le capitaine Rafaëlli, qui avait assisté aux dernières audiences de Rennes et était revenu ce même jour (7 septembre 1899). — Voir p. 537 et appendice IV, la lettre de Galliffet à Waldeck-Rousseau, du 8, sur leur conversation du 7 au soir.