fus, qui n’a pas voulu de la pitié, puisse se contenter du doute. Il lui faut tout son honneur — ou que la honte soit sur les juges.
Paléologue, vivant beaucoup avec les membres du conseil, avait exercé sa psychologie à deviner leur opinion, — à ces mille riens qui sont d’autant plus sûrement indicateurs qu’ils échappent à la volonté, quelque chose comme les actions réflexes de la conscience, — et il avait dit à Demange que deux officiers (mais sans les nommer) voteraient l’acquittement. L’avocat, vers la fin de sa plaidoirie, ayant vu Merle pleurer à grosses larmes, questionna le diplomate : « Est-ce l’un des deux ? — Non. » Alors, c’était l’acquittement, à la minorité de faveur, tout de même la victoire.
Auffray vit-il, lui aussi, ces larmes de Merle ? Il avait suivi toutes les audiences, « assis toujours au milieu des officiers », visiblement l’un des principaux metteurs en scène du procès[1]. Quoi qu’il en soit, il s’inquiéta que Demange eût troublé quelque cœur simple, griffonna une note à Carrière : qu’une réplique était nécessaire, et en donna le thème : inviter les juges à peser les témoignages, ceux des chefs, des soldats, et ceux des autres[2].
Celui-là, du moins, connaissait la mentalité militaire.
Carrière, après un instant d’hésitation, dit à Jouaust qu’il avait l’intention de répliquer, mais que l’heure était avancée[3]. — Demange avait plaidé depuis sept
- ↑ Lettre de Gast, du 23 août 1899.
- ↑ Il pria un officier de passer la note à Carrière ; l’officier, par hasard l’un des rares revisionnistes de la garnison, fit avertir Dreyfus pendant la suspension.
- ↑ Rennes, III, 744, Jouaust : « Monsieur le commissaire du gouvernement, aurez-vous à répliquer ? — L’heure est avancée… — Avez-vous l’intention de répliquer ? — Carrière, hésitant : Oui ! »