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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


contre les arrêts réfléchis de deux conseils de guerre. »

Le lendemain, une heure après la condamnation, Galliffet était chez Waldeck-Rousseau, parce qu’il n’eût pas été élégant de n’y point paraître, malmenait fort les juges, mais n’en persistait que plus dans son avis.

Plusieurs des autres ministres, notamment Delcassé et Jean Dupuy[1], partageaient ses craintes et, certainement, au Conseil, auraient voté avec lui. D’autres hésitaient. Loubet émit l’opinion (antijuridique) que c’était à Dreyfus, non au gouvernement, qu’il appartenait de déférer l’arrêt de Rennes à la Cour de cassation. Les journaux lui rappelaient son discours de Rambouillet, son imprudente promesse (quand il croyait à l’acquittement) que tout le monde s’inclinerait devant le verdict.

Dans cet embarras, Waldeck-Rousseau voulut d’abord consulter Mornard, qui avait suivi les débats de Rennes jusqu’à la fin et qu’il tenait, depuis longtemps, en haute estime. S’il y a des motifs de cassation dans le procès ou dans le jugement, nul ne les aura relevés plus sûrement que Mornard ; d’autre part, si profond que soit son dévouement à Dreyfus, il ne donnera pas un avis qui ne soit motivé en droit ou qui conduirait à un échec.

Ils examinèrent donc tous deux la question dans la journée du lendemain (10 septembre), mais pour se heurter de toutes parts à des difficultés insurmontables ou à des impossibilités légales. Sous réserve des vices de forme que pouvait révéler l’examen plus attentif de l’arrêt lui-même, il y avait bien, selon Mornard, trois

  1. Son journal, le Petit Parisien, écrivit : « On doit considérer l’arrêt de Rennes comme la vérité légale. »