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CHAMBRES RÉUNIES


et plaisantant que la condamnation d’un innocent n’était peut-être qu’une mystification ; c’était pour le moins aussi démonstratif que la claire déposition de Picquart, celle d’Hartmann, si forte, celle de Ducros, si loyale, celle de Bertulus, si dramatique, et les révélations de Paléologue, de Monod et de Trarieux. Beaucoup avaient cru, sur la parole de Quesnay, que la Chambre criminelle avait traqué les témoins de questions captieuses. Elle parut, au contraire, presque faible et l’on s’étonna de sa mansuétude, quand Mercier signifiait à Lœw qu’il n’avait pas à l’interroger sur les pièces secrètes.

Les écrivains revisionnistes commentaient ces témoignages[1], discutaient les explications, d’ordinaire confuses, des avocats de l’État-Major, et de ces polémiques jaillirent de nouvelles clartés. Ce fut alors que Painlevé connut et dénonça comment Gonse avait falsifié son simple récit sur sa conversation avec Jacques Hadamard, et comment Roget avait falsifié ce faux ; ils avaient fait du cousin (par alliance) de Dreyfus son beau-père et de la protestation du professeur à la Sorbonne en faveur de son parent une diatribe du négociant en diamants « qui avait eu à payer des dettes pour son gendre[2] ». — On savait déjà, par Trarieux, que l’entourage de Freycinet avait cherché à faire passer le

  1. Les articles d’Yves Guyot ont été réunis en volume (Analyse de l’Enquête), ainsi que ceux de Clemenceau (Des juges), ceux de Cornély (Notes sur l’Affaire Dreyfus) et les miens (le Crépuscule des traîtres, Tout le Crime et les Faits nouveaux). — Jaurès, dans la Petite République, discuta, au jour le jour, les dépositions. Il faut citer, parmi les publications de l’époque, la Déposition du général Roget, par Paul Marie, et l’Histoire des Variations de l’État-Major, par deux anciens normaliens qui gardèrent l’anonyme.
  2. Lettres au Temps du 10 et du 19 avril 1899, à Mazeau du 12 ; Rennes, III, 337, Painlevé. — Voir t. III, 592, et Cass., I, 672, Roget.