Si les Chambres ne s’étaient pas séparées le jour même où commença la publication de l’enquête, on eût interpellé à chaque séance[1] ; leur absence servit beaucoup. Dupuy eut le loisir de cuver sa première colère. Il était homme à nager, s’il le fallait, contre les courants, mais pas à se noyer sottement. Ni l’intelligence, bien que vulgaire, ni le courage des opinions successives ne lui firent jamais défaut. À la réflexion, il se donna l’air d’avoir trouvé son chemin de Damas et marcha au-devant de la victoire. La veille de la réunion des conseils généraux, dans un discours qu’il prononça au Puy, il salua la Cour de cassation : « Elle parlera selon le droit et la justice, clôra ainsi l’affaire qui a causé un trouble superficiel. » Et sa pensée, bien qu’il s’en défendît, c’était si bien la revision, qu’il alla beaucoup plus loin qu’on ne lui demandait, promit, pour le lendemain du verdict, « les sanctions nécessaires ». Il y avait eu « des fautes, des aberrations » ; il fallait que « les responsabilités fussent définies » et, s’il y avait lieu, « châtiées ». (9 avril.)
Il avait été, en effet, décidé en conseil que les responsabilités engagées dans l’Affaire seraient recherchées après le prononcé de l’arrêt[2] ; mais pourquoi l’annoncer, et si bruyamment ?
On lui a supposé l’arrière-pensée d’inquiéter l’opinion par la perspective de représailles, d’un recommencement indéfini de scandales. Il n’eût pas été incapable dès lors de ce calcul, qu’il fit certainement en juin.
Quelqu’un, à l’État-Major, crut faire merveille en divulguant le dernier rapport de Deniel sur Dreyfus,