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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« wagnérien », et que nous y avions un peu perdu la notion des réalités. Je m’excusai aussi de l’avoir laissé en dehors de nos négociations et j’exprimai les mêmes regrets à Trarieux ; mais le temps nous avait emportés dans son tourbillon.

Trarieux se réjouit de la grâce imminente, et Picquart s’y résigna.

VI

Avec le recul des années, ce retard de huit jours disparaît. En fait, au chronomètre, la grâce ne fut pas signée immédiatement après le verdict ; mais ces quelques heures ne sont qu’une seconde pour l’histoire.

Les journalistes, toujours à l’affût, avaient signalé ma présence, le 11, au matin, chez Waldeck-Rousseau[1] ; le brusque départ de Mathieu, dans la soirée, pour Rennes et son retour, le lendemain, après avoir été introduit dans la prison de son frère, sur l’ordre de Galliffet, ces indices suffirent à orienter les esprits. Le troisième jour, il n’y eût plus personne qui ne fût certain que Dreyfus ne ferait pas sa peine, qu’il allait être remis en liberté. La grâce sortait des choses. Il résulta de cette prévision un soulagement soudain. C’était la fin de l’orage. Tout à coup, les vents se calment, la pluie devient plus rare, le ciel s’éclaircit.

Les jours suivants, on sut que le professeur Delbet avait visité Dreyfus et adressé au gouvernement un

  1. Soir et Éclair du 12 septembre 1899, Écho du 14, Intransigeant du 15, Presse du 19, etc.