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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

III

Lettre ouverte au général Mercier[1]

au Général Mercier,

Général,

Dans votre déposition vaillante et loyale, irrésistible, vous avez dit une grande partie de la vérité ; mais l’avez-vous dite tout entière ? J’en doute, voici pourquoi :

Vous constatez que l’Empereur d’Allemagne s’occupe personnellement des affaires d’espionnage, qu’à la suite de la remise du bordereau, l’Empereur d’Allemagne a éprouvé une violente colère, telle que, pendant quelques heures, la guerre vous parut imminente.

Mais ce que vous ne dites pas, c’est ce qui a d’abord irrité l’Empereur au point de menacer de la guerre et ce qui l’a ensuite calmé.

Votre silence sur ce point laisse planer sur votre déposition et sur toute l’affaire une obscurité regrettable et que je sens dans tous les esprits.

Un homme des plus sérieux m’a expliqué ainsi qu’il suit le drame dont vous n’avez soulevé qu’un coin :

Le bordereau avait été écrit par Dreyfus sur papier fort et envoyé au chef de l’espionnage allemand, l’empereur Guillaume. En face de chaque pièce se trouvait indiqué le prix exigé. L’empereur renvoya le bordereau à Paris avec une note de sa main, en allemand, dont le sens était que « décidément cette canaille de Dreyfus devenait bien exigeant et qu’il fallait veiller à ce qu’il livrât le plus tôt possible les documents annoncés ».

Le bordereau, ainsi annoté, fut remis au colonel Henry.

  1. Gaulois du 14 août 1899.