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CHAMBRES RÉUNIES

IX

Le jour même, le bruit se répandit que Lebret avait invité Mazeau à refuser toute nouvelle enquête et à faire prononcer la Cour avant la rentrée des Chambres.

Que Lebret, Dupuy, malgré son récent discours, aient eu l’idée de réclamer un arrêt à jour fixe, cela est possible, nullement invraisemblable, mais aucune preuve n’en fut fournie. Quoi qu’il en soit, une clameur s’éleva de la presse revisionniste[1], un tel ouragan qu’il emporta toute velléité d’escamoter la revision et de mettre le Parlement en présence du fait accompli ; la Cour ordonna l’enquête supplémentaire.

Elle entendit en tout dix témoins, mais après avoir décidé de ne pas poser de questions sur la communication des pièces secrètes, dont Brisson et Sarrien avaient négligé, comme on a vu, de saisir le Procureur général. La majorité fut d’avis « que la Cour n’avait pas le droit de pénétrer dans la salle des délibérations pour demander à des juges compte des motifs qui les aurait déterminés[2] ».

Cet arrêt, qui n’était solide qu’en droit, eût rendu la déposition de Freystætter superflue, sans une sottise de Crépon.

Freystætter ayant raconté que la fameuse déclaration d’Henry sur « une personne très honorable » (Val-Carlos) avait déterminé son vote, plusieurs conseillers essayèrent de le faire expliquer, par des voies détournées, sur les pièces secrètes : « Le témoin a-t-il eu connaissance de plis cachetés qui auraient été remis au co-

  1. 17 et 18 avril 1899.
  2. Cass., III, 142, Ballot-Beaupré.