tant qu’il l’avait répétée deux fois, irrita les amis de Dreyfus. Ils protestèrent que cette tragédie qui avait remué la France aux entrailles n’avait rien d’un fait divers ; le rideau, qu’on vient de baisser, n’est pas tombé pour ne pas se relever ; ils ne se sont pas inclinés et ne s’inclineront pas devant le jugement de Rennes ; la grâce n’a pas été dictée seulement par la pitié. Mais le gros du public, qui était excédé de l’Affaire, en jugea tout autrement, à la fois amusé par l’insolente formule et point fâché qu’une voix un peu rude signifiât aux acteurs du drame qu’on les avait assez vus.
Waldeck-Rousseau trouva fort mauvais que le général ne lui eût point soumis son manifeste ; il l’aurait arrêté au passage ou, tout au moins, remanié ; surtout, quand le Président de la République et tous les ministres s’étaient prononcés déjà pour l’amnistie[1], il était incorrect que le ministre de la Guerre, s’adressant, à l’armée, se donnât l’air de l’imposer, de la décréter à lui seul. Il s’en expliqua avec lui, en présence de Loubet qui marqua le même déplaisir, et il refusa de publier l’« ordre général » au Journal officiel.
Galliffet reçut ces observations avec une déférence professionnelle, mais qui ne trompait pas sur le fond ; il avait réussi son coup ; s’il perdait un peu de la confiance, jusqu’alors aveugle, de Waldeck-Rousseau, il retrouvait la faveur de son « monde ». Il racontait aux républicains qu’il méprisait « ces gens-là » ; de fait, il ne les estimait guère, mais il y tenait. Aux obsèques de Brault, son chef d’état-major, quelques jours après, il parla encore pour eux : « Dieu nous a enlevé cet homme de bien… Consolons-nous en pensant que ce soldat chrétien a reçu sa récompense dans un monde meil-
- ↑ Voir t. V, 565.