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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Seine, le président Bidault de l’Isle le renvoya, pour la troisième fois, et sans donner de motifs. Mais le motif était apparent : le vote imminent de l’amnistie qui supprimerait le procès.

Cette décision indigna Picquart, me parut un déni de justice, dans toute la force du terme ; nous eûmes recours à la procédure exceptionnelle de la prise à partie, qui consiste d’abord à inviter par huissier le président du tribunal à porter l’affaire en cause à la plus prochaine audience.

Monis, questionné par Delpech au Sénat, défendit la décision de son juge. Delpech demanda quels moyens restaient aux citoyens « pour se protéger contre des diffamations infâmes[1] ».

Le procès de la veuve d’Henry contre moi, ajourné depuis un an, en prévision de l’amnistie, revint, le 3 décembre, devant la cour d’assises.

Bien que j’eusse convoqué tous mes témoins, on s’attendait à une nouvelle remise. La Chancellerie s’arrêta, pour cette fois, à une autre procédure qui était de contester la compétence de la Cour. « Mme Henry étant elle-même détentrice de l’action », le procès doit être renvoyé devant un tribunal correctionnel[2].

Question controversable, car, le mort ayant été fonctionnaire public, on pouvait soutenir que la diffamation et l’intention de porter atteinte à l’honneur des survivants devaient être soumises au jury, où la preuve est admise.

C’est ce que Labori déclara en mon nom et Lévy-Salles au nom du gérant du Siècle, à la fois pour des raisons de droit et parce que je tenais surtout à fournir

  1. Sénat, séance du 23 novembre 1900.
  2. Réquisitions de l’avocat général Rambaud. — Voir t. IV, 438 et 525.