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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


hésité à bouleverser le pays, à désorganiser l’armée » ? Écrivain vigoureux, incisif, parfois puissant, avec de l’humour juif, des imprécations de prophète d’Israël, il paraît gêné à la tribune et gêne la droite qui l’applaudit à peine. Lasies, de Ramel, Ernest Roche, parlent dans le même sens ; l’amnistie plénière ou le libre cours de la justice, tout ou rien. Le rapporteur, Déribéré-Desgardes, dans un discours élégant, va plus loin encore : il n’hésite pas à abolir l’action civile avec l’action pénale : « Il faut arracher toutes ces pages de notre histoire. »

Massabuau voulait l’amnistie pour tout le monde, sauf pour Picquart et moi : « Quel homme voyons-nous tout le long de cette affaire ? C’est M. Joseph Reinach… Picquart et lui sont la cause de tout le mal. »

Maintenant, avec Guieysse, le dernier effort des amis de Dreyfus, des défenseurs intransigeants de la justice : pas d’amnistie pour ou contre les hommes de l’Affaire. Qu’arrivera-t-il « si Zola, si Reinach reprennent leurs accusations » ? Pouvez-vous maintenir Picquart « sous l’opprobre officiel « ? Et vous ne pouvez pas amnistier Mercier quand vous le voudriez : tant que la prescription ne sera pas acquise, vous pouvez toujours le mettre en accusation ; la loi ne peut pas enlever à la Chambre un droit qu’elle tient de la Constitution.

Vazeille est d’accord avec Waldeck-Rousseau « pour éviter » le procès de Zola et le mien ; au contraire, celui de Picquart ne peut pas être supprimé « sans qu’on lui fasse injure ». Picquart étant poursuivi en vertu de la loi sur l’espionnage, Vazeille propose d’exclure l’espionnage du bénéfice de l’amnistie, et, en outre, afin d’atteindre éventuellement Esterhazy et Mercier, Boisdeffre et Gonse, Lauth et Du Paty, la trahison, la forfaiture et le faux toute l’Affaire.