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LE BORDEREAU ANNOTÉ


parlé selon sa conscience pendant le tumulte de l’Affaire, avait perdu, l’une après l’autre, ses principales collaborations ; telle était la haine dont le poursuivaient les partis de réaction que le Figaro lui-même s’était séparé de lui (juin 1901). Il était sans fortune, d’une probité scrupuleuse, et n’avait jamais vécu que de sa plume.

Il semblait donc que ses compagnons de lutte plus fortunés dussent tenir à honneur de lui faire parmi eux une place d’autant plus large qu’il était l’objet de plus d’animosités et de basses vengeances. Or, Labori à son tour se sépara de lui, parce qu’il n’était pas d’accord avec lui sur la grâce et sur l’amnistie, d’ailleurs près d’un an après le vote de l’amnistie (novembre 1901) et en pleine bataille contre les partis de Droite[1].

Depuis quelque temps, mon amitié pour Labori se survivait ; elle ne résista pas à ce qui me parut un acte d’ingratitude envers un écrivain qui avait déjà souffert assez de la méchanceté des hommes. Toute explication que j’aurais eue à ce sujet avec Labori aurait dégénéré en une querelle où il m’eût, à nouveau, rendu mes dossiers. Il me parut plus loyal de les lui

  1. « Venu courageusement à ceux qui voulaient lutter jusqu’à la mort, non pour un homme, mais pour le droit des hommes, il a commis l’erreur de se faire l’apologiste de la grâce et de l’amnistie. Il ne pouvait que supporter à la fin la fatale conséquence de cette contradiction, peut-être inconsciente. » (Labori, dans le Journal du 5 décembre 1901.) — « Mon intention pour l’avenir est d’écrire dans la Grande Revue, aussi régulièrement que je le pourrai, des chroniques ou des études politiques. Cela devait, nécessairement, sans qu’il y eût là de quoi blesser personne, entraîner le départ de Cornély. » (Journal du 4.) — Labori n’a publié dans la Revue qu’un seul article politique : le Mal politique et les Partis (numéro de novembre), et qu’une conférence, faite au théâtre Gémier, suite de l’article précédent (numéro de décembre).